L’exploration du langage, des sonorités, comment les mots s’articulent au gré des gens, du temps, des rythmes, des intonations, des ponctuations.
Le travail de texte, de l’enchaînement des mots, des espaces entre les mots aussi.
Le texte est comme une partition. Je l’écoute même lorsqu’il s’arrête.
Je pense le texte de théâtre aussi de manière horizontale. Je ressens un besoin de connecter des écritures différentes relevant d’ouvrages scientifiques, d’anthropologie, des sciences du langage… Les sauts dans le temps, les objets anachroniques..
Avant les répétitions, j’observe le texte. Seule. Je coupe. Je mets de côté. Je griffonne des idées. J’ouvre des tas de livres. Je colle. Je rature.
L’objet livre devient un carnet, un fatras d’idées.
Les comédiens, je les écoute lire, dire le texte. J’observe leur manière de parler. Les modulations de leur voix. Leur posture.
Je leur lance des idées comme on pourrait lancer des cailloux sur l’eau pour observer les ricochets. Je leur propose des chemins différents seulement s’ils se perdent disent-ils, s’ils se noient.
Je fabrique des parcours précis en définissant des points de repère. Je mets en place des articulations comme on place des attaches parisiennes sur des bouts de cartons. Dans une structure quelque peu rigide, je laisse alors le comédien y frayer son propre chemin, court ou long, droit, sinueux, géométriquement alambiqué.
Il suffirait à l’acteur pour bien faire de ne pas tout donner de suite, de ne pas utiliser toutes ses cartouches au premier coup.
Il me semble fondamental de jouer avec la notion de rythme, de temps, de se sensibiliser au crescendo, au decrescendo, à la voix qui part du ventre, à la respiration, à l’écoute, à la conscience de son corps et de sa position dans l’espace, à sa posture, au débit de parole, aux interruptions, à la pulsion, à la surprise, à la perche qu’on attrape, à la retenue, à la scorie…
J’exige sans exiger que les acteurs apprennent leur texte avant même de commencer les temps de répétition. Ce travail qui peut sembler labeur laborieux doit être au contraire un plaisir plaisant. La maîtrise rigoureuse de ses lignes, de ses mots bout à bout, permet à l’acteur d’être libre dans son corps, prêt à retenir, mémoriser les moindres détails de jeu lors des répétitions. Etre porté par les mots d’un autre et qui semblent alors venir de soi.
J’aime l’idée d’humilité dans le jeu. Tendre à une certaine naïveté…l’idée du juste, être juste….je cherche.
Je fabrique l’histoire sur scène en plusieurs étapes. Il s’agit de procéder par couches comme un peintre sur sa toile. Le produit fini ressemble alors à un oignon dont les feuilles s’enveloppent les unes dans les autres.
Un outil que j’affectionne est le nuancier. Les couleurs et nuances deviennent des mots, des corps, des actes. Je fais des pieds des mains et des mains des pieds pour créer avec les comédiens un nuancier toujours plus dense, plus fou.
Un autre outil à la fabrication est celui que j’appelle un marqueur.
Il est là pour marquer, démarquer un ou des éléments de l’histoire. Il crée un repère pour les comédiens et une possible interaction avec les spectateurs.
L’image a une place essentielle dans mon travail mais elle prend des formes différentes. La projection d’images n’est pas indispensable. Elle doit être justifiée. Ma manière de fabriquer fait écho au travail de montage en quelque sorte. Je fabrique un enchaînement d’images, y ajoute des transitions; les raccords peuvent être variés.
Je suis très attachée par le sens du détail, la recherche de perfection. J’aime la rigueur dans le travail.
Je cherche sans cesse à me renouveler; ce que je ne connais pas m’attire. J’ai un besoin incommensurable d’apprendre toujours de nouvelles choses.
Si mon travail artistique était un livre, ce serait un album pour les enfants. L’histoire écrite pourrait être interrompue par des illustrations, des bouts de tissus à toucher, des morceaux de cartons à activer…
L’espace sur scène est horizontal et vertical. Le jeu des profondeurs, des différents plans est important. J’aime les corps en l’air, suspendus, explorant l’espace vide. Je suis sensible à la lumière, aux couleurs et à leur association.
Les thématiques qui accompagnent mon travail tournent autour de l’être humain, le corps, les différents espaces-temps, la vie, la mort, l’injustice, l’inégalité, la femme, la liberté, la parité, le langage, la mémoire, la technologie, les sciences.
Je fais le choix d’un travail pluridisciplinaire. Mélanger des formes artistiques différentes, des langages différents.
J’aime penser le spectacle comme un possible voyage pour chacun d’entre nous sans obtention d’un visa au préalable.